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Tourisme rouge in China


Certaines franges populaires se retournent vers les années Mao, une façon d'exprimer leur mécontentement face à la situation actuelle. Trente-trois ans aprèsla mort de Mao, les autorités de Pékin organisent la visite des hauts lieux de la vie de Mao le Grand Timonier, entre mysticisme et mercantilisme.

Tourisme rouge


On a beau se réclamer du socialisme scientifique, cela n'interdit pas de croire à l'influence des astres sur le cours des vies humaines et à la prédestination. Dans la petite école de Shaoshan, où Mao a usé quelques fonds de blouse entre 8 et 10 ans, on vous montre, accrochée au mur en pisé, une carte du district de ce petit village de la province du Hunan qui a vu naître le créateur de la Chine populaire.

Explication ...


Et cette carte, si on la renverse, épouse à quelques détails près les contours de la grande Chine. «Regardez, il y a mieux, s'enthousiasme la jeune guide, sur la carte du district, le lieu de la maison de Mao correspond même à la localisation de Pékin sur la carte de la Chine !» Il était donc écrit dans la topographie locale que ce fils d'un paysan du cru devait faire son chemin vers le pouvoir suprême.

Niché dans une jolie petite vallée où la nouvelle de la mort de l'empereur Guangxu en 1908 n'arriva au jeune Mao que deux ans plus tard, Shaoshan est aujourd'hui un site phare du «tourisme rouge », qui voit des millions de Chinois visiter chaque année les hauts lieux révolutionnaires. Selon le bureau du tourisme, la ville aurait reçu 3,6 millions de visiteurs en 2008. «En 1993, pour le 100e anniversaire de la naissance de Mao, nous avons embelli la ville et restauré les sites, puis de nouveau en 2003, explique une jeune fonctionnaire, mais c'est surtout à partir de 2004, quand nous sommes devenus un“site rouge”, que nous avons investi 1 milliard de yuans (plus de 100 millions d'euros) dans les travaux.» Le président Hu Jintao avait fait le voyage à Shaoshan pour le 1er octobre 2003.


Des phénomènes extraordinaires

On trouvera toujours ici quelqu'un pour faire part des phénomènes extraordinaires qui émaillent la vie du lieu saint. Comme l'histoire de ces fleurs qui ont éclos subitement en janvier 1993 pour le 100e anniversaire de la naissance de Mao. Ou celle de ce riche Chinois de la diaspora, qui aurait payé 300 000 dollars pour passer une nuit dans son lit en bois mais n'aurait pu dormir une minute, une «tempête faisant rage dans ses oreilles alors que le calme régnait à l'extérieur…» Ou encore cette mystérieuse malédiction qui semble frapper nombre de ceux qui ont voulu jouer les sosies de Mao, décédés aussi étrangement que les profanateurs des pyramides égyptiennes.

Le Tourisme Folklorique 


Voilà pour le folklore. Mais il y a aussi les affaires, et elles sont rayonnantes. L'an dernier, le patron du parti de Shaoshan, Mao Yushi, a confié à l'agence Chine Nouvelle que les autorités avaient longuement débattu avant de décider d'exploiter la manne, ces marchands du temple maoïste pouvant faire honte au héros fondateur.

Ces pieux scrupules ont vite été balayés et les boutiques de souvenirs ont fleuri. Mme Tang Ruiren est la dernière à s'en plaindre. Elle a habité pendant soixante-sept ans la maison voisine de celle des Mao, de l'autre côté de la petite rizière verdoyante. Et en 1984, elle a décidé d'y ouvrir un restaurant, avant de le délocaliser en ville il y a six ans. «Mao est un homme immense, le seul à avoir vraiment tout donné pour le peuple, à avoir offert six membres de sa famille pour la révolution. Et il a libéré les femmes», dit cette petite grand-mère de 80 ans, toujours aussi énergique qu'élégante, en montrant des photos d'elle avec «son» Grand Timonier. Sa «passion Mao», il est vrai, lui a plutôt réussi. Elle est aujourd'hui à la tête d'un groupe de deux cents restaurants à travers tout le pays, possède troupe de spectacle et fondation. Son petit-fils «est allé en Australie pour étudier le management», preuve que la gestion occidentale peut bien se marier avec le Mao-business.
plsu de lectures ici http://marketingtochina.com/chinese-tourists/

Le Business "Mao"


Plutôt spontané à ses modestes débuts au milieu des années 1980, le tourisme rouge est aujourd'hui fortement encouragé par Pékin à des fins d'éducation patriotique et de cimentation idéologique autour du parti. En 2004, le comité central du PCC et le Conseil d'État ont lancé conjointement un «programme de développement du tourisme rouge», prévoyant la mise en valeur de 100 sites à l'horizon 2010. Avec un label de «base d'éducation patriotique». Aux confins du Shaanxi, du Ningxia et du Gansu, Yan'an est aujourd'hui une autre grande étape de ces voyages dans l'histoire révolutionnaire. C'est là que la petite troupe communiste épuisée posa enfin son sac en 1937. Et de ces «caves» creusées dans le lœss tendre et jaune des collines, Mao mena la lutte pendant les dix ans qui suivirent. L'une de ces caches a été conçue pour résister aux bombardements les plus nourris. Dans les sobres chambres-bureaux troglodytiques de la colline Yang ou du jardin des dattes, on peut lire que c'est d'ici que fut piloté le grand «mouvement de rectification».

Et puis, il y a cet étonnant bâtiment construit pour abriter le VIIe congrès du PCC, qui s'ouvrit en avril 1945. Ironiquement, l'enceinte ressemble à une église catholique. Un style aussi peu chinois que révolutionnaire, qui s'explique tout simplement par un maître d'œuvre ayant étudié l'architecture en Italie.

Mao symbole en Chine

Là, Mao prit enfin officiellement et totalement la direction du parti après avoir écarté tous ses rivaux. Dans l'amphithéâtre où 755 délégués se réunirent pendant cinquante jours pour «coller à la vérité et corriger les erreurs» d'une organisation ayant vingt-quatre années d'existence, on pose aujourd'hui pour la photo clin d'œil. Pour quelques yuans, les visiteurs revêtent vareuse et casquette de l'uniforme maoïste de l'époque.


NB La date fondatrice de la République populaire


À quelques kilomètres de là, les cars s'arrêtent devant le Musée révolutionnaire, un gigantesque édifice inauguré en août dernier et dont bien des capitales du monde entier envieraient la taille et les moyens scénographiques. Contrairement à d'autres musées de Chine qui commencent au 1er octobre 1949, celui-ci a la particularité de s'arrêter à cette date fondatrice de la République populaire. Sur le terre-plein, devant une belle statue de Mao, une colonne d'employés en costume noir vient déposer des gerbes de fleur. Ils appartiennent au groupe pétrolier Yanchang. Sur les bandeaux, on peut lire : «S'inspirer de l'esprit de Yan'an» ou «construire des champs pétroliers en harmonie». Plus loin s'avance un groupe du bureau fiscal du Yunnan. Ou encore une délégation du comité du parti de Zhuhai, la grande ville du sud de la Chine, rendant hommage à «Yan'an, terre sacrée de la révolution chinoise». Selon le directeur de l'agence touristique de Yan'an, Lu Shaohua, la ville - où les hôtels poussent comme bambous après la pluie - reçoit désormais 5 millions de touristes par an, contre 1,6 million en 2000. Et à quelques jours des célébrations du 60e anniversaire de la Chine communiste, l'affluence redouble.

Ce boom touristique ne doit pas tromper. La vie et l'œuvre de Mao sont à mille lieues des préoccupations de vastes pans de la population chinoise, et notamment des 300 millions de personnes qui forment la nouvelle classe moyenne urbaine, plus préoccupées de moderne ascension sociale que de culte du passé. Mais comme l'explique le professeur Hu Xingdou, de l'Institut technologique de Pékin, il y a aujourd'hui un «double mouvement qui pousse à regarder vers les années Mao. Par le haut avec un discours des autorités qui y puisent des ingrédients de légitimation et par le bas chez les couches défavorisées de la population».

Ce brillant universitaire rappelle que dans les années 1980 et 1990, Deng Xiaoping avait «proposé à plusieurs reprises de réévaluer le rôle de Mao dans un sens critique». La génération montante de dirigeants chinois adhérait à l'idée, mais, parvenus aujourd'hui au pouvoir, «ils préfèrent ne pas s'y risquer, de peur d'ouvrir la voie à une érosion de la légitimité du parti et à d'autres exigences de critique du système». Selon lui, on voit même depuis quelque temps un appel accru au mythe maoïste pour souder la nation, ainsi qu'aux mauvaises habitudes de l'époque, recours massif à la propagande et intolérance aux voix dissonantes. D'un autre côté, «certaines franges populaires se retournent vers les années Mao, une façon d'exprimer un mécontentement face à la situation actuelle, la corruption et le creusement des inégalités sociales».

Cette histoire, Du Daozheng la connaît bien. Ce charmant vieillard a rejoint le parti en 1937 à l'âge de 14 ans. Il fut bien plus tard le premier directeur de l'Administration générale de la presse et des publications du régime. Aujourd'hui, avec d'autres vétérans de la geste communiste, il anime une revue aussi oxygénée que réformiste, Yanhuang Chunqiu. Selon lui, l'éducation par Mao ne va pas dans le bon sens alors que la Chine souffre avant tout d'un «poids excessif de l'idéologie et d'un pouvoir trop concentré». Il est cependant confiant, «la relecture avisée du passé se fera et le mouvement, lent mais réel, de la Chine vers la démocratie continuera».

Cette perspective n'affole ni l'industrieuse Mme Tang, ni le chauffeur de taxi de Yan'an qui a posé sous son pare-brise un petit buste de Mao, sorte de Saint-Christophe rouge dont il attend d'ailleurs la même protection contre les dangers de la route. Même si un jour l'idéologie officielle venait à lui manquer de respect, Mao appartiendra toujours à la grande Histoire.
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